Elle était seule. Désespérément seule alors que le soleil commençait déjà à descendre sur l'horizon. Cela faisait maintenant des heures que ses parents étaient partis dans le désert. Du haut de ses onze ans, elle était assez courageuse pour s'occuper d'elle.
"Nous serons de retour vers midi. Nous irons à l'ancienne supérette et nous ne serons pas trop de deux pour le ravitaillement. Nous comptons sur toi pour garder la maison", lui avait dit sa mère en la serrant dans ses bras. Les yeux emplis de fierté, elle les avait regardés partir, son père tirant sa mère par le bras, pressé d'en finir avec ses effusions.
Mais elle fanfaronnait moins maintenant. Que deviendrait-elle s'ils ne revenaient pas ? Comment trouver de quoi se sustenter ? Comment repousser les hordes de non-morts qui frappaient portes et fenêtres dès la nuit tombée ?
Elle monta dans le grenier. Des amoncellements de bricoles hors d'usage jonchaient le sol : une vieille bouteille d'hydromel verdâtre, de petits personnages naïfs qui servaient de jouets aux enfants à cette époque où le mot "jouet" avait encore un sens.
Elle scruta le désert par la petite lucarne. Des bourrasques de vent soulevaient le sable filandreux qui avait tout envahi depuis la grande catastrophe.
Enfin une ombre déchira le ciel à l'horizon. Une ombre en forme de diable qui se rapprochait en titubant. Il lui fallut du temps pour reconnaître son père.
Elle descendit à toute vitesse et se précipita auprès de lui. Il semblait dans un état second. Des taches de sang séché maculaient ses vêtements. C'est à peine s'il l'embrassa et il repoussa d'un geste rageur la cruche d'eau qu'elle lui avait gentiment apportée.
"- Papa ! Papa ! Où est maman ?
- Nous sommes tombés dans un piège. Ils sortaient de partout. J'ai essayé de la sauver mais en vain !"
Ses yeux de petite fille s'emplirent de larmes, qu'elle sécha rapidement du revers de sa main.
"- Rentrons vite, maintenant. C'est l'heure pour toi d'aller au lit." Le ton était glacial, aussi glacial que la nuit qui s'annonçait.
Il avait changé. Il était sombre et presque brutal quand il la posa dans son lit et claqua la porte de la chambre. Malgré tout, il était là pour prendre soin d’elle. C'est sur cette rassurante pensée qu'elle s'endormit pour la dernière fois.
Au milieu de la nuit, ce qui n'était plus que l'ombre de son père se faufila dans la chambre pour y déguster un sinistre repas.